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Interview

«Le monolinguisme, une idéologie française»

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Langues régionales. Pour le linguiste Pierre Encrevé, une langue commune ne justifie pas le rejet des langues régionales.
publié le 10 novembre 2001 à 1h35
(mis à jour le 10 novembre 2001 à 1h35)

Linguiste, Pierre Encrevé est directeur d'étude à l'Ecole des hautes études aux sciences sociales. Il fut le conseiller culturel de Michel Rocard à Matignon de 1988 à 1991.

Pour le président des écoles Diwan, l'arrêt du Conseil d'Etat entretient la confusion entre unité et uniformité de la République.

Il y a en France l'idée d'un lien nécessaire entre l'unité de la nation et l'unicité de langue qui remonte à la Terreur. Jusqu'alors, la Révolution respecte le multilinguisme, on traduit les lois et les décrets dans les langues régionales. A partir de 1794, on passe à l'idéologie de l'unilinguisme national. Dès la chute de Robespierre cette idée est abandonnée par la Révolution mais elle réapparaîtra notamment avec Jules Ferry après la perte de l'Alsace, annexée au prétexte qu'elle parlait allemand.

Il a néanmoins fallu attendre 1992 pour que la langue française apparaisse dans la Constitution.

Au moment de la discussion sur Maastricht, en effet, quelques députés RPR ont fait adopter un amendement par l'Assemblée nationale: «Le français est la langue de la République.» Les protestations de tous les pays francophones ont conduit le Sénat à retourner la formule, désormais alinéa 1 de l'article 2 de notre Constitution: «La langue de la République est le français.» Une chose est sûre, une grande langue n'a pas besoin de figurer dans une Constitution. Ni l'allemand, ni l'anglais aux Etats-Unis, ni le français n'y figuraient jusqu'alors. Cette initiative