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«J'ôterai mon voile quand les autres femmes le feront»

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Une semaine après la chute des talibans, les Kaboulis s'interrogent sur l'étendue de leur liberté.
publié le 19 novembre 2001 à 1h40

Kaboul envoyé spécial

Ils sont apparus dès le lendemain de la prise de la ville par les moudjahidin de l'Alliance du Nord. Ils sont bien 200 à faire la queue depuis quatre jours devant le rideau de fer du cinéma Bakhtar. Un garde armé modère les ardeurs de la petite foule d'hommes et d'adolescents cinéphiles qui semblent prêts à tout pour assister à la première projection d'un film à Kaboul depuis cinq ans. Les plus jeunes n'ont jamais vu de film de leur vie. Les puritains de l'islam, qui avaient proscrit la musique, la photographie et le cinéma durant leurs années au pouvoir, semblent n'avoir fait qu'aiguiser la passion connue des Kaboulis pour l'image et le cinéma. Sur les dix-sept salles que comptait la capitale en 1996 à l'arrivée des talibans, quatre seulement sont encore debout, et une seule en ordre de fonctionnement, explique fièrement le propriétaire du Bakhtar, Salim Mohammed.

Saffa rêve de cinéma

L'homme avait été jeté en prison pendant trois semaines par les talibans, qui bouclèrent son cinéma. S'il peut rouvrir aujourd'hui, c'est grâce à son vieux projectionniste tadjik, Mohammed Saffa, 66 ans dont 30 ans de métier, qui a eu la présence d'esprit de ménager une cache sous le plancher de la petite pièce qu'il occupe dans le cinéma, pour y cacher deux énormes projecteurs de facture soviétique. Il n'a pu sauver que quelques bobines d'une production indienne, Eelan ­ un film de guerre assez gore à en croire l'affiche.

Un sourire de félicité figé sur la bouche, Saffa vit