Sur une couverture cartonnée, quelques lignes d'une calligraphie appliquée: «Organe pour la commanderie du Bien et la poursuite du Mal. Gouvernorat de Kaboul. Registre des manquements et de leurs corrections.» La main courante d'une police politique d'inspiration divine. Dans ce grand cahier bleu, tenu avec rigueur, une main scrupuleuse a consigné toute lapidation, la moindre bastonnade, chaque punition légère infligée «au nom de Dieu, le miséricordieux». Page après page, se dessine le quotidien des habitants de la capitale afghane, sous le régime des talibans, brossé par les zélotes du ministre de la Promotion de la vertu et de la Répression du vice. Femmes fouettées pour n'avoir pas porté un voile suffisant. Pour s'être risquées à héler un taxi sans être accompagnée d'un tuteur mâle. Jeunes gens rossés, parce qu'ils osaient se promener tête nue. Commerçants à l'amende pour avoir suspendu une cage à serins dans leurs boutiques.
«Les talibans nous caressaient la joue»
Le livre des châtiments regorge des comptes rendus d'arrestation pour «attitudes non conformes aux préceptes islamiques». Au nom de la stricte observance, des patrouilles enturbannées et armées de shaloq, de longues lanières de cuir tressé, arpentaient les moindres recoins de la capitale pour faire la chasse aux récalcitrants. Les sbires du ministère semblaient avoir une prédilection particulière pour la traque aux barbes trop courtes et aux cheveux trop longs. A 20 ans, Oumayoun souffre d'un système pileux assez