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Libération
Éditorial

L'argent n'a pas d'odeur

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publié le 12 janvier 2002 à 21h40

Deux semaines après son lancement en fanfare, on peut dire sans risque d'être démenti: l'euro, c'est dans la poche! Le plus extraordinaire est que la conversion collective de 305 millions d'Européens à la monnaie unique ait eu lieu dans un calme et une bonne humeur si généraux qu'elle apparaît, à l'aune médiatique, presque comme un non-événement, à la grande déconfiture des europhobes qui avaient rêvé d'un Titanic monétaire. Le lancement de l'euro a été une réussite d'autant plus éclatante qu'il était une opération complexe et délicate qui s'est déroulée des Açores au cercle polaire, et des Antilles aux îles Eoliennes. Les peuples de l'Union ont démontré qu'ils sont suffisamment pragmatiques et modernes pour ne plus investir, comme leurs ancêtres, une part d'identité dans les billets et les pièces de leur sacro-sainte devise nationale. Si pour Vespasien déjà, l'argent n'avait pas d'odeur, il n'est pour les Européens de 2002 qu'une commodité indispensable. Ils la veulent la plus efficace et simple d'usage que possible. Leur europhorie est à peine troublée par la grogne devant des prix trop souvent arrondis à la hausse.

Le nouveau contenu des portefeuilles est la preuve sonnante et trébuchante que l'Union n'est pas qu'un rêve (ou un cauchemar) de règles absconses édictées par les bureaucrates bruxellois. Il induit aussi des réflexes, donne naissance à des mots et favorise des comportements nouveaux. On voit l'ébauche d'un véritable marché unique, dans lequel des consommateurs p