Dans un roman prémonitoire publié il y a plusieurs années, le Vendeur de sang (traduit en français aux éditions Acte Sud en 1997), l'écrivain chinois Yu Hua décrivait comment les paysans pauvres vendaient leur sang dans les moments difficiles, malgré la crainte de voir une partie de leur énergie partir avec le précieux liquide. «Ce que vous, les citadins, vous appelez sang, on l'appelle force, à la campagne», dit l'un des personnages.
Yu Hua n'avait toutefois pas prévu le scénario catastrophe du Henan. Lorsque, au début des années 90, les paysans de cette province rurale de l'est de la Chine ont été incités à vendre leur sang par les autorités sanitaires, une formule avait été trouvée pour éviter, disait-on, qu'ils ne s'affaiblissent trop: après prélèvement de 300 ou 400 cc, on leur réinjectait dans le corps ce sang dont avait été retiré le plasma sanguin convoité. Avant, le sang de même rhésus était mélangé dans des centrifugeuses, permettant toutes les contaminations. Selon les témoignages, les conditions d'hygiène étaient déplorables dans les centres publics mis en place par la direction de la santé de la province, ou privés, créés, accusent les victimes, par des parents d'officiels haut placés.
De nombreux paysans se sont mis à vendre leur sang chaque jour pendant près de deux ans, recevant 45 yuans (7 euros) à chaque prise. «La vie était difficile, on pouvait gagner un peu d'argent», témoigne l'un d'eux. La pratique a ensuite été interdite par le gouvernement central au m