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Maux de docteurs

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De Marseille à Strasbourg, consultation de cinq généralistes.
publié le 24 janvier 2002 à 21h47

Cinq médecins généralistes. Choisis au hasard. A tous a été posée la même question: «Combien vaut une consultation?» Au propre comme au figuré. Chacun y répond, entre le temps passé, la gravité de la maladie rencontrée, ou la simple blessure à soigner.

Henri-Michel Porte, 52 ans, Marseille*. «On est dévalorisés».

«Je travaille depuis vingt-six ans dans un quartier difficile: beaucoup de gens au chômage, des miséreux, des malheureux. 40 % de mes patients sont à la CMU [couverture médicale universelle, ndlr]. J'essaye avec eux de réinstaurer la médecine de famille. Quand c'est possible, je m'éclate. Ce qui me blesse, c'est quand les gens me disent: "Je me sers chez vous", comme chez un épicier. Mais pour beaucoup, c'est ça. On est dévalorisés par rapport à ces patients, même si, en société, on continue à me donner du "docteur" long comme le bras.

«Avant, les gens regardaient la salle d'attente, ils multipliaient par 115 francs et me disaient: "Docteur, vous allez vous faire des sous." Mais je leur explique: avec les frais, il me reste 45 balles imposables. Pas grand-chose pour un acte qui peut parfois sauver la vie. Et puis, il y a le problème des visites. Comme ça ne leur coûte finalement que 10 francs de plus, les gens n'hésitent pas à vous faire venir pour n'importe quoi. L'autre jour, un collègue est arrivé chez le patient, il regardait un match de foot, il a dit: "Le vaccin est là, sur la cheminée."»

*Membre du SML (Syndicat de la médecine libérale).

Alain Sellam, Strasbourg.