«Sa mort est un choc, j'avais entendu une fois le mot «cancer», mais je ne savais pas... C'est un choc dans la mesure où notre univers intellectuel à tous, le mien particulièrement, est un monde qui s'organisait, non pas complètement mais en partie, par rapport à Bourdieu. Il était une référence positive ou négative indispensable. Il avait grossi comme un arbre qui pousse ses racines et ses feuilles et couvrait un domaine énorme de l'opinion. Le fait que mes orientations, mon travail ont toujours été et de plus en plus opposés aux siens, me donne la liberté de dire que son oeuvre est considérable. Comme tout vrai sociologue, il a toujours uni le travail de terrain, la connaissance, l'analyse des problèmes et la réflexion sur sa propre démarche. La sociologie de Bourdieu a réfléchi sur la sociologie, Bourdieu a réfléchi sur Bourdieu, c'est un monde qui s'efforce d'être conscient de lui-même. Avoir montré ce qui est caché je pense à son travail sur «la misère du monde», sur le «capital culturel» et savoir ce qu'on fait, être conscient de soi-même demeurent les deux caractéristiques de son oeuvre.
Toute l'oeuvre de cet homme qui, ces dernières années, était plutôt connu pour des prises de position ou des écrits idéologiques, qui ne sont pas forcément ce qu'il a fait de meilleur a été une réflexion sur soi-même et la construction d'une démarche. Ses derniers écrits ne sont pas polémiques ou idéologiques, ils sont de la réflexion profonde. Pierre Bourdieu est avant