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Libération
Interview

«Il était une référence ­ positive ou négative ­ indispensable»

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publié le 25 janvier 2002 à 21h47

«Sa mort est un choc, j'avais entendu une fois le mot «cancer», mais je ne savais pas... C'est un choc dans la mesure où notre univers intellectuel à tous, le mien particulièrement, est un monde qui s'organisait, non pas complètement mais en partie, par rapport à Bourdieu. Il était une référence ­ positive ou négative ­ indispensable. Il avait grossi comme un arbre qui pousse ses racines et ses feuilles et couvrait un domaine énorme de l'opinion. Le fait que mes orientations, mon travail ont toujours été ­ et de plus en plus ­ opposés aux siens, me donne la liberté de dire que son oeuvre est considérable. Comme tout vrai sociologue, il a toujours uni le travail de terrain, la connaissance, l'analyse des problèmes et la réflexion sur sa propre démarche. La sociologie de Bourdieu a réfléchi sur la sociologie, Bourdieu a réfléchi sur Bourdieu, c'est un monde qui s'efforce d'être conscient de lui-même. Avoir montré ce qui est caché ­ je pense à son travail sur «la misère du monde», sur le «capital culturel» ­ et savoir ce qu'on fait, être conscient de soi-même demeurent les deux caractéristiques de son oeuvre.

Toute l'oeuvre de cet homme ­ qui, ces dernières années, était plutôt connu pour des prises de position ou des écrits idéologiques, qui ne sont pas forcément ce qu'il a fait de meilleur ­ a été une réflexion sur soi-même et la construction d'une démarche. Ses derniers écrits ne sont pas polémiques ou idéologiques, ils sont de la réflexion profonde. Pierre Bourdieu est avant