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Libération
Éditorial

Militant scientifique.

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publié le 25 janvier 2002 à 21h47

La sociologie n'est pas de l'art pour l'art : c'était déjà ce que disait il y a un siècle Emile Durkheim, le fondateur de la sociologie moderne, dont le but, selon lui, était de constituer un savoir réflexif qui permette à la société d'intervenir sur elle-même. D'une certaine manière, Pierre Bourdieu n'a pas fait autre chose.

De ses premiers travaux sur la Kabylie à ses derniers sur la Domination masculine en passant par ses ouvrages les plus savants, il n'a eu de cesse que d'utiliser cette science comme boîte à outils permettant de comprendre la société, d'en démonter les mécanismes et de tracer la voie à de possibles transformations. Cette volonté de faire de la sociologie une arme théorique ou, comme il le disait, un «sport de combat» s'est renforcée avec le temps, jusqu'à faire de lui, dans les dernières années de sa vie, la figure type, charismatique pour beaucoup, de l'intellectuel engagé. Depuis une dizaine d'années, Pierre Bourdieu redonnait vie au modèle que Sartre avait incarné dans les années 60 et 70 (et aussi, dans une moindre mesure, Michel Foucault), celui du philosophe éclairant la Cité depuis le ciel des idées, mais en le renouvelant à sa manière : finie la neutralité supposée de la science, place au «militantisme scientifique», dans lequel l'objectivité du chercheur nourrit et renforce la conviction du militant. Ce passage des Héritiers aux sans-papiers, de la Noblesse d'Etat à José Bové et de la Distinction à la télévision, a été spectaculaire : certains on