Pendant que les petits candidats s'essoufflent sans se faire entendre et pendant que les deux grands non-candidats s'entendent à se faire attendre, Chevènement assure presque à lui seul le spectacle et chauffe la salle en vedette américaine. La coalition hétéroclite de souverainistes qui le porte sur son pavois est d'ores et déjà la nouveauté de ces élections. Qui aurait soupçonné de telles affinités entre le vicomte et le jacobin? Celles-ci n'iront pas jusqu'aux fiançailles publiques. Mais l'argument le plus éculé, et d'ailleurs le plus démenti, de la vie politique française, qui prétend que le clivage gauche-droite est périmé, a trouvé une nouvelle jeunesse.
En bas, chez les moins de 7 % qui se font ainsi piquer leur spectacle, l'humeur est morose, même chez le fringant moustachu Mamère. Il n'en est pas un parmi eux qui puisse se dire content des scores que leur accordent les sondages, à l'exception peut-être de l'immarcescible Arlette. Vers le haut, l'homme de Belfort provoque des effets opposés sur les deux rives de la Seine. Si Matignon la joue impavide, l'Elysée grince des mâchoires.
Cela fait maintenant presque un mois que le doute a instillé le camp chiraquien et qu'il y perdure malgré force réunions d'état-major. Chirac, qui est arrivé à l'Elysée après une longue, solitaire mais virtuose campagne électorale, choisit une stratégie inverse, se réserve pour le sprint avec sans doute de bonnes raisons. Mais celles-ci, manifestement, ne convainquent pas ses meilleurs amis.