D’où vient qu’il soit si difficile de trouver le fil? Qu’après chaque témoignage demeure le sentiment que quelque chose manque? Le personnage qui part aujourd’hui à la conquête de l’Elysée est plutôt du genre carré. Pourtant, à chaque pas, son unité se dérobe. Rigide à la télévision et dans les conférences de presse, cogneur à l’Assemblée, joyeux en privé, heureux un jour, d’une humeur de chien le lendemain, énarque le jour, trotskiste la nuit... Chaque trait de caractère fait écran à l’autre. Interrogez ses amis, ils vous le diront, simultanément: généreux et autoritaire, cassant et souple, conservateur et audacieux, rigoureux et capable d’hypocrisie, formaliste et pragmatique, cérébral et physique, pudique et narcissique. Et même, oui, transgressif, selon le sculpteur Alain Kirili, qui, fin 1992, accueillit dans son atelier new-yorkais un Lionel Jospin en rupture de Mitterrandie. Alain Kirili qui ajoute, tout de même: «Mais aussi, prudent, tellement prudent!»
Pulsions. A chaque cliché, son négatif. A chaque qualificatif, son contraire. Au nom de quelle cohérence? Il faut du temps pour admettre que la vérité de cet homme se niche justement dans ce «bougé», que chacune de ces épithètes livre sa part de vérité. Le destin de Jospin aura été, depuis soixante-quatre ans, de faire et de défaire le puzzle mal ajusté de ses pulsions. D’être un assemblage d’émotions contradictoires, d’exigences divergentes un peu comme ces ensembles déstructurés, griffe Armani, qu’il portait