Ils voyagent dans le même train, le Paris-Bâle n° 1 741, parti à 7 h 28, voie 7, de la gare de l'Est. Ils ne se connaissent pas. Pourtant, à trois de wagons de distance, ils affichent la même conviction : «Il faut voter.» «Parce que mon père m'a toujours dit : "Il y a des gens qui sont morts pour le droit de vote"», explique Mario. «Parce que, dit Anne, il y a des pays où on n'a pas la chance de voter.»
Mario, 36 ans, est seul dans un compartiment de 2e classe. Adossé à la fenêtre, des journaux sur la tablette, il crayonne son bloc-notes. Mario est technicien en métallurgie dans le Doubs. Il revient de Paris, «pour le boulot». Mario attend des candidats à la présidentielle qu'«ils disent la vérité aux Français». «Parce qu'il y en a marre de voir des programmes qui ne sont pas mis en oeuvre. Regardez Chirac, il a berné les gens. Pourtant, en 1995, moi j'ai vu les gars dans les ateliers voter Chirac parce qu'ils étaient séduits par son discours sur la fracture sociale.»
Agonie. Le train s'arrête à Bar-sur-Aube (Aube), halte ferroviaire du gaullisme puisque c'est ici que l'on descend pour se rendre à Colombey-les-Deux-Eglises (Haute-Marne) sur la tombe du général de Gaulle. Dans la voiture de 1re classe, Anne peaufine son mémoire sur la mise en place des 35 heures dans son entreprise. Elle est consultante en management et se rend dans une usine du Haut-Rhin. «La réduction du temps de travail, c'est bien comme projet de société. Mais sur le plan de la mise en oeuvre, on l'a pensé