Joseph attend son tour depuis «50 minutes»: «On croirait les années 70.» La scène se passe dans un centre de Sécurité sociale du XIe arrondissement de Paris, le genre d'endroit où il faut s'armer de patience. Cinq à dix personnes attendent leur tour, dans des fauteuils confortables, voire propices à la somnolence. L'oeil rivé au panneau qui affiche le numéro de passage, chacun accepte la conversation. Et les usagers rencontrés ce dernier jour de février sont unanimes: l'élection présidentielle, ça les intéresse. Françoise, 48 ans, limite offusquée: «Bien sûr, je m'intéresse à la campagne.» Emmanuel, 32 ans: «Non... Enfin... oui.» Guillaume, 26 ans: «Bien entendu.» Tahr, 68 ans: «Comme tout le monde.»
Electeur abstrait. Même si, comme le regrette Emmanuel, «ce qui est évoqué ne [l]'intéresse pas»: «Aujourd'hui, ce qui est mis en avant, ce sont les différences entre postulants, mais on ne parle pas des vrais problèmes.» «Une campagne, c'est pas une chose intéressante en soi. Si on est juste électeur, ça suffit pas», constate de son côté Guillaume, qui a préféré rester debout et farfouille dans ses papiers posés sur une table haute comme un bar, tendance cafétéria d'autoroute. Si la campagne est aussi fade, pense Françoise, c'est que les hommes politiques «sont vraiment cloisonnés dans leur système», et s'adressent à un électeur «abstrait», qui n'existe pas. «Les campagnes me déplaisent dans le sens où on cherche simplement à attraper les voix», déplore Claudette, 64 ans. Et c'e