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Interview

«Le temps appartient d'abord au salarié»

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Mais le temps des ouvriers et celui des cadres restent bien différenciés.
publié le 11 mars 2002 à 22h33
(mis à jour le 11 mars 2002 à 22h33)

Jean Viard est sociologue, directeur de recherche au CNRS et au Centre d'études de la vie politique française (Cevipof). Il préside le groupe de prospective sur les temps libres à la Datar. A ce titre, il a dirigé un rapport pour le ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Il vient de publier le Sacre des 35 heures (1).

On voit naître un débat sur la «perniciosité» des 35 heures qui encourageraient «la perte de la valeur du travail». Qu'en pensez-vous?

C'est un débat récurrent pour les élites sociales. En 1936, elles étaient persuadées qu'en octroyant des congés aux couches populaires, on encouragerait l'oisiveté. Et l'oisiveté est mère de tous les vices. Pour la gauche, ce n'est pas plus simple. En 1798, une des premières mesures prise par les révolutionnaires a été de supprimer les jours fériés et le repos dominical. Dans cette période, ne pas travailler le dimanche, c'était s'affirmer catholique. De là viennent les réserves de la gauche vis-à-vis du temps libre: elle avait peur qu'il devienne un temps religieux, ce qui était une bataille de la droite. En 1997, encore, la gauche évite de faire des 35 heures un instrument de domination du temps, de libération individuelle, pour privilégier la lutte contre le chômage.

Mais le temps des ouvriers et des pauvres, ce n'est pas celui de tout le monde?

Non. Il faut se rappeler qu'au milieu du XIXe siècle, on travaille en moyenne 50 % de sa vie éveillée. Dans la catégorie ouvrière, c'est 70 % de son