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Libération

A Jénine, «on est mort cent fois, mille fois»

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Dans le camp de réfugiés, personne ne se risque à donner un bilan.
publié le 16 avril 2002 à 23h03

Jénine envoyé spécial

Le camp de réfugiés de Jénine était un volcan. Maintenant, il a son cratère. Au centre du camp, il n'y a plus rien. Pas même un bout de mur. Il n'y a plus qu'un tas de cailloux. On se croirait dans une carrière. Un grand trou de 300 mètres sur 500, comme un bout de lune avec ses vallées et ses monts. Même les habitants ont du mal à dire où se trouvait leur maison. «Là, non, là, enfin au milieu quoi.» La vieille Fatheya ne s'y retrouve plus. Vendredi, sa maison existait encore. «Ils sont arrivés un peu après minuit. On a eu cinq minutes pour sortir. Les hommes, les femmes, des enfants. On est sortis avec ce qu'on avait sur le dos.» Puis les bulldozers sont entrés en action. Depuis, la grand-mère et sa famille se sont réfugiés chez des amis, à deux rues de là. Ils sont 40 dans trois pièces avec les poules, qui gambadent là où elles peuvent. Ils auront bientôt fini le riz, les lentilles et les conserves. «Pour l'eau, on va de toit en toit, et on se sert dans les réservoirs des maisons vides.» Cela fait douze jours que les habitants du camp vivent sans eau et sans électricité.

Bruit des blindés. Pour la première fois depuis l'assaut de l'armée israélienne contre le camp de Jénine, les quelques habitants restants ont pu sortir de chez eux. Surtout des femmes, des enfants et des vieillards. L'armée reste présente à l'intérieur et tout autour du camp, mais laisse quelques habitants revenir. Le camp est encore aux trois quarts vide. Il y règne un silence pesant,