Indécision, indifférence, éparpillement des intentions de vote, il n'est pas de commentaire à la veille de ce premier tour de scrutin qui se dispense de ce constat navré. Est-ce si grave ? On doit remarquer que ces défauts peuvent aussi avoir pour revers des qualités : le refus des votes mécaniques, le rejet des enthousiasmes naïfs, voire la méfiance à l'égard des puissants et de leur suprématie acquise d'avance autant de traits d'une opinion adulte. Cela n'empêchera pas Chirac et Jospin d'aller vers leur lutte finale encore entachés de leur médiocre début de partie.
C'est le propre même de la démocratie de traduire l'infinité des opinions individuelles en une majorité mesurable qui exerce dès lors un pouvoir légitime. Cette alchimie, en principe, revient aux partis. Or ceux-ci sont en France à la fois faibles, mal aimés et balkanisés. Tout ce qu'on fait mine de découvrir et de déplorer dans la campagne électorale n'est que la traduction fidèle de la réalité politique quotidienne. Cela n'empêche pas les deux sortants d'avoir des taux de satisfaction honorables, mais ils manquent des relais qui imposeraient leur candidature comme incontournable. A droite, pas de grand parti conservateur, à gauche, un PS qui atteint vite ses limites de fédérateur.
Cela place les deux concurrents du second tour dans une situation inconfortable : ils devront passer de 20 % à 50 % des voix sans pouvoir compter sur de gros bataillons de réserve, chacun d'eux dépendant en fin de compte de transfert