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Libération

«Ca vous apprendra à voter protestataire..»

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«Ce vote-là, il faudra qu'ils en tiennent compte», dit l'un. «Catastrophe», dit l'autre. «On fait quoi maintenant ?»
publié le 22 avril 2002 à 23h06
(mis à jour le 22 avril 2002 à 23h06)

Marseille, bar le Marengo

Le séisme est tombé sur le Marengo sans crier gare. Depuis 19 h 30, le patron de ce bar marseillais avait coincé sa carte d¹électeur derrière l¹oreille. Il fumait des barreaux de chaise en jetant des glaçons sur un vieux client aviné. La télé, branchée sur la 3, restait muette. Son coupé. A la place, Dédé le taulier faisait balancer plein pot les vieux succès bien français. Avec le temps, va, tout s¹en vaŠ Et puis aussi : L¹important, c¹est la rose, l¹importantŠ A ce moment-là, il était 19 h 45, on ne savait pas encore le bouillon qu¹elle allait prendre, la rose. Alors le vieux aviné hurlait : «L¹important, c¹est pas la rose, l¹important, c¹est de boire à ouf !» Et il tanguait, et le patron chantait, et le soleil déclinait, c¹était une belle journée qui s¹achevait.

Et puis, à 20 heures, l¹écran muet a fait péter les chiffres, «Chirac, 19,9, Le Pen 17,9». Le patron a lâché une bouffée de cigare, «oh, la rigolade !», un client a failli tomber du tabouret, «oh ! là là ! c¹est grave, c¹est grave, c¹est grave», les autres ont continué de chanter, ou de boire, ou de rigoler, ils s¹en foutaient. Quelques incrédules se sont demandé s¹ils rêvaient, non, ils ne rêvaient pas, la télé a refait péter les chiffres maudits, le gars du comptoir a redit : «C¹est le bordel» On est sortis.

Dans le bar à côté, 20 h 10, le patron avait posé deux bouteilles de champagne sur le comptoir, de marque Veuve Elisabeth, ça sentait l¹enterrement, mais pas pour lui, il avait peine à