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Analyse

Trois France à part égale

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Cette élection a divisé le pays en trois blocs géogra-phiques distincts, trois manières de raconter l'histoire de France.
publié le 23 avril 2002 à 23h08

Au-delà des trois hommes de tête, il y a trois France de poids électoral comparable. La droite gouvernementale (Chirac + Bayrou + Madelin + Lepage + Boutin) totalise 33, 7 % des exprimés, la gauche gouvernementale (Jospin + Chevènement + Mamère + Hue + Taubira), 32,45 %, et l'ensemble des «tribunitiens», de «gauche» et de «droite» réunies (Le Pen + Laguiller + Besancenot + Saint-Josse + Mégret + Gluckstein), 33, 87 %. Si les deux premiers blocs ont une visibilité claire, le troisième correspond à une des caractéristiques anciennes et confirmées de la vie politique française. Il s'agit, en un sens, de la prolongation du siècle de guerre civile larvée que la France a connue depuis 1789. Les mouvements protestataires représentent depuis longtemps environ un tiers de l'électorat. Ce qui est remarquable, cependant, c'est que cet habitus tribunitien puisse passer d'un parti à un autre sans cohérence idéologique apparente et avec des électeurs renouvelés. Ainsi, l'affaiblissement du communisme et du gaullisme a fait circuler protestataires de «gauche» et de «droite» vers d'autres formations. Dans le même temps, la société a changé, mais ce type d'opposition refusant de s'impliquer dans la gestion du pays survit et prospère dans le nouveau contexte. La reproduction est, paradoxalement, favorisée par le «désalignement» à l'égard des allégeances partisanes. Retrouvant leur liberté, les électeurs qui se sentent à la fois les plus démunis et les plus menacés, d'autant plus déçus par une