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Libération

Mon village à l'heure Le Pen «Je lui ai dit: t'as la mémoire courte»

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publié le 27 avril 2002 à 23h11

Vitrey-sur-Mance, envoyée spéciale.

Le parler haut-saônois est traînant et peu disant. Pour dire sans le dire, Jeanne, 82 ans, veuve d'agriculteur, répète : «Si ça continue comme ça, ça ira pas en s'arrangeant.» Sous ses paupières plissées, les yeux s'emplissent de malice : «Pour une surprise, ces élections, c'était une surprise.» 25,7 % des voix à l'extrême droite, 9 points de plus qu'en 1995, dans l'ensemble du département comme dans le canton (celui de Vitrey-sur-Mance, 2 226 habitants, zéro gare, zéro épicerie, zéro transport en commun, un seul bistrot et un médecin débordé). A Cintrey, dans l'unique café, un agriculteur de 78 ans a tenté, le lundi matin, un «avec Le Pen, les "gris" vont déguerpir», mais ça a choqué qu'il le fasse tout fort. «Je lui ai dit : "T'as la mémoire courte, les nazis habitaient dans nos maisons pendant la guerre", raconte Yves, 68 ans. Je regrette de m'être énervé.» Il pense que les élections tiennent à peu de chose : son frère a hésité toute la semaine, Le Pen ou Jospin : «Il s'est engueulé avec sa femme, du coup les deux se sont abstenus.»

A Ouge, un peu plus à l'ouest, aux confins de la Haute-Marne, le tournoi hebdomadaire de tarot s'est tenu quatre heures durant sans qu'aucun des hommes ne fasse une seule allusion aux élections. «Mon beau-frère, qui avait voté socialiste aux députés, m'a dit: "On n'est pas content, ça suffit" ; ma soeur, elle est plus claire, elle veut la peine de mort pour ceux qui ont brûlé la maison du vieux d'Orléans, elle