C'est la sainte de Le Pen. Depuis trente ans, le Front national honore chaque année la pucelle d'Orléans. L'occasion pour le président du FN de revendiquer de façon spectaculaire l'héritage de l'extrême droite française. Car, depuis la fin du XIXe siècle, tout ce que la galaxie nationaliste compte de groupuscules musclés et de figures sulfureuses a fait de celle qui bouta l'Anglais hors de l'Hexagone sa figure mythique préférée. Pour le FN, mouvement pétri de traditions, célébrer Jeanne d'Arc, c'est donc inscrire ses pas dans le sillage du fondateur de l'Action française, Charles Maurras, des Croix-de-Feu du colonel de La Rocque et du régime de Vichy.
Oriflamme de la patrie. A l'origine, pourtant, Jeanne d'Arc était de gauche. En rédigeant son Histoire de France dans les années 1830-1840, Jules Michelet en fit le symbole d'un patriotisme républicain, populaire et même anticlérical. Cette fille du peuple, enfant de laboureurs, avait été livrée aux Anglais après avoir été abandonnée par son roi et trahie par l'Eglise. «Jeanne est des nôtres, elle est à nous et nous ne voulons pas qu'on y touche», écrivait encore, dans les années 1920, le socialiste Lucien Herr, proche de Jean Jaurès et précepteur de Léon Blum.
L'Eglise a récupéré Jeanne jusqu'à prononcer sa canonisation en 1920. Dès lors, les républicains l'ont délaissée pour l'abandonner à une extrême droite toute prête à l'accueillir. Car Maurice Barrès d'abord, Charles Maurras ensuite y voyaient l'incarnation de la «Francité»