Une immense clameur. Tumulte de joie brute, vacarme sans slogans, sans mots, sans rien, juste des dizaines de milliers de cris stridents ou graves unis en une seule protestation. Elle salue quoi la clameur ? Un groupe compact de lycéens qui arrive en chantant par une rue dérobée, un jeune juché sur un arbre qui fait le clown, le panneau «Non» brandi d'une fenêtre. Elle salue tout et n'importe quoi, la clameur. Enfle, meurt, renaît, entraîne tout avec elle.
«Allez la gauche, on se réveille !»
Paris, place de la République, 15 heures. Nous sommes loin des cortèges adultes. Une vague brouillonne, colère et bonheur mêlés, qui tangue en se mettant en marche. Une foule un peu inquiétante par son insouciance, sa vitalité et son avidité, sans service d'ordre, sans ordre du tout. Et à la fois tendre, douce, fragile malgré le nombre. Des groupes dansent, d'autres sifflent, se tiennent par la main, les épaules, font des chaînes de bras, marchent, courent, sautent sur place, explosent en cris et en rires. Quand la clameur cesse, les mots d'ordre reviennent en force, plus chantés que scandés. Un groupe arrive, se fond à la foule. Un autre. Un troisième. De toutes les rues qui entourent la place, des petites manifestations bruyantes rejoignent la première, venues en cortège des lycées. Et les bouches du métro déversent la jeunesse. «Nous sommes tous des enfants d'immigrés!» Hurlée par des enfants, la phrase traditionnelle en devient bouleversante. Sur de nombreux fronts, des jeunes à la pea