La chute de Jean-Marie Messier, suivie avec la fascination que suscite la vision d'une catastrophe filmée au ralenti, dépasse de loin sa seule personne. Et pas seulement en raison des dégâts collatéraux qu'entraînera le démantèlement inéluctable de son empire de communication, pour les employés comme pour les détenteurs d'actions Vivendi Universal. C'est un chapitre de l'histoire du capitalisme moderne qui prend fin. Celui que le patron de la Réserve Fédérale américaine, Alan Greenspan, avait intitulé «l'ère de l'exubérance irrationnelle». Les héros en étaient, comme Messier ou le patron de WorldCom Bernie Ebbers, des «aventuriers» souvent atypiques, volontiers flamboyants et iconoclastes, jamais vraiment acceptés par leurs pairs. Mais ils étaient encensés par des médias, pour qui l'économie est devenue un spectacle, et des actionnaires fascinés par la promesse de martingales permettant de gagner à tout coup au jeu de la Bourse.
Messier, tout comme le Suédois Barnevik (ABB), les Américains Lay (Enron), Ebbers, et autres «conquistadors», étaient les chefs de file d'une révolution. Ils avaient bousculé le monde des affaires, surfant sur la déferlante d'investissements soulevée par les espoirs de profits fabuleux que suscitait une «nouvelle économie» nourrie de mutations technologiques. Dans un univers obsédé par la création de valeurs boursières de plus en plus stratosphériques, l'audace et la rapidité des opérations financières l'emportaient sur la solidité des sociétés. La co