Gisèle Caumont a quitté la France le 18 avril 1999 pour la Suède. Définitivement. A 60 ans, cette orthophoniste, musicienne, lourdement handicapée de naissance, n'avait plus les moyens de se payer une auxiliaire de vie. De «s'offrir» un pipi à 70 francs, en espérant que quelqu'un veuille bien se déplacer juste pour ça, et la piscine à 250 francs (deux heures d'auxiliaire de vie). Elle n'avait plus la force de répondre aux courriers la sommant d'envoyer la preuve des frais engagés, faute de quoi on lui supprimerait son allocation compensatrice (près de 4 500 francs par mois, qui permettent de payer deux heures et demie d'aide quotidienne). Plus le courage de supporter les nuits d'angoisse où personne ne pouvait l'aider, les heures passées sur son trottoir à attendre que quelqu'un l'aide à rentrer chez elle, les films, les concerts qu'elle ne pouvait voir. Et trop de colère contre le système français qui finançait ses hospitalisations à chaque infection urinaire, infections attrapées parce qu'elle ne buvait pas assez, et elle ne buvait pas parce qu'elle n'avait pas les moyens de se payer une aide pour les toilettes.
Ses parents morts, ses amis vieillissants, elle se savait condamnée à une vie en institution. Elle a fait le choix d'abandonner ses amis, sa famille, ses racines pour démarrer une autre vie dans un pays accueil lant pour les handicapés, qu'elle connaissait pour y avoir fait ses études. Elle dit qu'il s'agit du geste le plus fou, le plus courageux, le plus intelligen