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Libération
Éditorial

Dichotomie

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publié le 12 septembre 2002 à 0h57

Etrange commémoration du 11 septembre : d'un côté de l'Atlantique, l'émotion de tout un pays pour célébrer le premier anniversaire du carnage de 3 000 innocents de toutes conditions, appartenant à plusieurs dizaines de nationalités. De l'autre côté de l'océan ­ c'est-à-dire le nôtre ­, quelques maigres cérémonies, trois phrases de circonstance, bref le service minimum, comme si au sentiment de révolte suscité par le crime des terroristes d'Al-Qaeda s'était substitué, un an après, un sentiment de gêne. Les morts dont paraît se détourner l'Europe ­ pour ne rien dire du reste de la planète où c'est au mieux l'indifférence qui domine ­ n'ont pourtant pas changé. Ce sont bien les mêmes dont le terrible destin avait tant ému le vieux continent...

Cette dichotomie résume à elle seule l'année écoulée. Et le refus de l'Europe à se vouloir puissance, son éternelle tentation à bien des accommodements, ses précautions dans la solidarité. Et l'isolement diplomatique croissant de l'Amérique de George Bush, en pleine dérive théocratique (donc manichéenne), persuadée de son bon droit, de sa mission, consciente de sa force à nulle autre pareille, fermée à toutes les interrogations, verrouillée au doute.

Rien, toutefois, ne permet d'affirmer qu'une Europe moins frileuse aurait été capable d'enrayer une telle évolution. Elle procède en effet d'un véritable choc entre deux civilisations : l'européenne résignée à la tolérance après avoir gaspillé son énergie dans les affrontements entre nations ;