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Libération

«Le permis, ils l'ont payé, c'est un dû»

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Arrogance ou crainte, le style de conduite visible dès l'auto-école.
publié le 17 septembre 2002 à 1h01

Ils sont au volant. Mais ils n'ont pas de permis. Abdel, moniteur en Seine-Saint-Denis, le sait. Il conduit son «véhicule-école», une Peugeot 206, en banlieue parisienne. Il est à un feu rouge. A ses côtés, se range un jeune homme qui le nargue, lui envoie un «smack» et redémarre, hilare. Plus loin, un autre conducteur entame une poussette sur la voiture d'Abdel. Puis met les gaz. Ces deux-là n'ont pas eu la fameuse feuille maintenant jaune. Abdel montre du doigt un autre véhicule. La BMW marron, aile droite avant enfoncée, passe d'un parking à un autre. «Il n'a pas son permis, la voiture n'est pas assurée», souffle Abdel. Le moniteur d'auto-école se gare. En face de sa boutique, est tracé un «Baiz les flics» écrit en noir. Devant se tient un grand gaillard intarissable. Après cinq ans de permis, il a écopé d'un retrait pour excès de vitesse : «Mais c'était quelqu'un d'autre qui conduisait», dit-il. Il brandit la dernière version du code à bout de bras et lance : «Je vais l'analyser à fond.» Sur le parking, sa voiture, une splendide décapotable.

Abdel connaît presque tous les jeunes de son quartier. Ce matin, il a emmené Issa, élève de terminale, sur un parking de Rosny-sous-Bois. Issa repasse son permis demain. La dernière fois, il l'a manqué pour absence de contrôle de rétroviseur. De sa prestation à l'examen, Issa dit : «J'ai pas fait de cinéma.» Le cinéma? Regarder dans le rétro. Pendant la leçon, le moniteur lui répète qu'il a tout «oublié». L'angle mort, le clignotant,