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Libération
Interview

«Un mécanisme de séparation des classes»

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publié le 21 octobre 2002 à 1h29

Sociologue et historien, Emmanuel Todd décrypte la fracture civique apparue lors de l'élection présidentielle.

D'où vient le «tremblement de terre» du 21 avril ?

Selon moi, il a concrétisé un mécanisme de séparation des classes, à l'oeuvre de longue date et généré par l'évolution éducative. Jusqu'à l'immédiat après-guerre, le fonctionnement de la démocratie en France était lié à la marche de l'alphabétisation de masse. A mesure que toutes les catégories ont appris à lire et écrire, elles ont créé une culture commune qui a renforcé la démocratie. Est apparue une catégorie d'environ 20 % de la population dotée d'une éducation supérieure. Dans les couches dites inférieures, 10 à 20 % de personnes sont restées calées au niveau de l'instruction primaire. Cette nouvelle stratification a développé un sentiment d'inégalité qui explique pour beaucoup la fragmentation sociale, économique et culturelle. Désormais, la strate supérieure, cette oligarchie de masse immensément sur-représentée à Paris, définit la vulgate supérieure. Elle a des caractéristiques sympathiques : elle est tolérante, antiraciste, sensible à l'écologie, etc. Mais elle se heurte aux valeurs égalitaires sur les questions économiques, car ses membres sont protégés des effets négatifs du libre-échange. Les hommes politiques sont totalement dépendants de cette strate supérieure.

C'est pourquoi ils perdent toute empathie avec les catégories populaires ?

Les élites socialistes n'ont pas perçu, par exemple, les effets négatif