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Libération
Reportage

«On ne sait pas le matin si on sera en vie le soir»

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Plongée au coeur d'une ville fantôme en proie aux explosions, aux pénuries et à la peur.
publié le 25 octobre 2002 à 1h32

Grozny de notre envoyée spéciale

La capitale tchétchène, Grozny, «la Terrible» en français, était une belle ville, explique l'exilé au visiteur de passage. Pour tout souvenir de sa vie d'avant, il a gardé quelques cartes postales d'édifices très soviétiques, que seul un regard nostalgique peut faire passer pour beaux. «C'était la rue Lénine, où se retrouvait la jeunesse», dit-il, montrant du doigt un méchant alignement de barres d'immeubles vides, béant de mille blessures. Dans la tête de l'exilé fusent encore les rires des étudiants. Des cafés et des magasins, il ne reste que des enseignes tordues, abandonnées. La place Lénine n'est plus qu'un terrain vague livré aux herbes folles, et pas une pierre ne marque l'emplacement de l'ancien palais présidentiel, qui fut le symbole de l'indépendance.

La place de la Minoutka est au mieux un carrefour, bordé, d'un côté d'immeubles dont on s'étonne qu'ils soient encore debout, de l'autre, de tas de gravats, vestiges de bâtiments dynamités car trop endommagés. Il faudrait être archéologue pour distinguer parmi ces carcasses les destructions à imputer à la première guerre russo-tchétchène (1994-1996), à la seconde offensive qui vit Grozny tomber aux mains des Russes à l'hiver 2000 ou bien encore aux explosions qui, ici et là, emportent toujours bâtiments et vies humaines.

Fébrilité. Monument aux urbicides de la dernière décennie du XXe siècle, Grozny reste toutefois une ville. Dans le sens qu'en donnent les dictionnaires. Les seules bâtiss