Ancien détenteur du Trophée Jules-Verne (tour du monde en équipage), skipper de «Geronimo», trimaran géant de 33 m, Olivier de Kersauson, trois participations à la Route du rhum au compteur, nous livre sa chronique de la course.
Traverser l'Atlantique, est-ce toujours une aventure ? Il y a encore quatre ans, tous les multicoques avaient été conçus pour la navigation en solitaire. Or, ce sont aujourd'hui des bateaux de Grands prix, puissants, qui naviguent 80 % du temps en mer calme. J'y vois une terrible ambiguïté qui se résumerait à ceci : a-t-on vendu à des sponsors une course en solo sur des bateaux d'ordinaire lancés à pleine vitesse et en équipage ? Et si toute la flotte finalement s'était menti ? Au fond, il n'y a qu'une question qui vaille : peut-on conduire une Ferrari pendant douze jours sans fermer l'oeil ? Il y a cependant des marins qui demeurent dans le réel de ce métier. Sont pas nombreux, ces mecs. Qui ? Peyron, un type qui sait à l'oreille à quelle vitesse marche son bateau. Ensuite, Cammas, Guillemot, Joyon, Gautier. Qu'est-ce qui se dessine ? Le portrait d'une flotte qui n'a jamais fait de solitaire en multicoque, ou presque, dans la plus terrible des courses sur trois coques. C'est également le tableau d'un monde nouveau où le marin ne sait plus où se mettre. Au-dessus de lui, un personnel qui le commande et qui n'a jamais pris la mer. J'y vois comme une imposture intellectuelle. L'aventure ? Tout laisse à penser que ce mot s'est vidé de son sens. L'aventur