Promesses, trahisons, non-dits... et grosse hypocrisie. Depuis près de quarante ans, la question de l'adhésion de la Turquie à l'Europe divise la classe politique française et transcende le traditionnel clivage gauche-droite. Pour exprimer leurs réticences, la plupart des politiques préfèrent se réfugier derrière la géographie : il serait délicat d'intégrer au sein de l'Union européenne un pays dont la quasi-totalité du territoire se situe en Asie. En toile de fond, une question taboue, parfois effleurée du bout des lèvres : un pays peuplé presque exclusivement par des musulmans peut-il rejoindre un espace politique de culture chrétienne ?
Dès 1963, «l'accord d'Ankara» signé par les dirigeants européens et les autorités turques prévoyait d'instaurer une union douanière complète dans un délai de trente-deux ans. Voulu par De Gaulle, il fut d'abord un geste politique fort, qui reconnaissait que la Turquie avait «vocation» à rejoindre les instances politiques et économiques de l'Europe. En avril 1992, François Mitterrand fut le second chef d'Etat français, après De Gaulle, à se rendre en visite officielle à Ankara. Il saisissait cette occasion pour souligner que la Turquie devait «jouer un rôle éminent» dans le «système européen en voie de constitution». «L'Europe se dessine comme une vaste communauté de valeurs et d'intérêts qui ne saurait être limitée par des conceptions géographiques ou par des préjugés culturels», avait proclamé le chef de l'Etat. Depuis, la Turquie continue