Les sondages sont unanimes : près de 80 % des Turcs souhaitent l'entrée de leur pays dans l'UE. Ce pourcentage d'euro-enthousiastes reste beaucoup plus important que dans la plupart des autres pays candidats. Fortes du soutien de l'opinion publique et de la légitimité d'une reconnaissance dès 1963 par la CEE de la «vocation» de la Turquie à intégrer un jour le club, les autorités d'Ankara pressent pour obtenir une date de début des négociations d'adhésion. Mais les Turcs sont 68 millions et, à 98 %, musulmans. D'où l'embarras croissant d'une partie des Européens à admettre un pays limitrophe de zones hautement instables comme le Caucase ou le Moyen-Orient. L'avenir européen de la Turquie, pourtant pilier depuis un demi-siècle du flanc sud-est de l'Otan, a ainsi déchaîné un débat passionné sur les frontières de l'Europe comme sur les fondements de son identité culturelle.
Pieds dans le plat. Début novembre, Valéry Giscard d'Estaing, président de la convention chargée de préparer l'Union élargie, a mis les pieds dans le plat, en affirmant que «la Turquie n'est pas un pays européen». Son mérite fut de clamer ce que beaucoup murmurent dans les couloirs de l'UE. Depuis, le débat fait rage et divise les grandes familles politiques européennes. Les gouvernements, eux, s'en tiennent à une position officielle de façade, affirmant le droit de la Turquie à adhérer quand elle aura rempli les critères exigés.
«Nous avons donné notre parole il y a quarante ans, et nous ne pouvons pas la