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Libération
Interview

Mona Ozouf «Les hommes de lettres sont les rois de la nation»

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Alexandre Dumas. Mona Ozouf, historienne, décrypte la cérémonie:
publié le 30 novembre 2002 à 1h57

L’historienne Mona Ozouf, spécialiste des rites républicains et des fêtes révolutionnaires, décrypte la cérémonie de panthéonisation d’Alexandre Dumas.

Dumas au Panthéon, est-ce incongru en regard de l’Histoire ?

Il existe dans cette décision une logique forte, à la fois politique et littéraire. Le plan de carrière idéal de tout candidat à la panthéonisation consiste à être à la fois un grand intellectuel et un grand militant. L'excellence littéraire seule ne suffit pas. Imagine-t-on Stendhal, Proust ou Colette au Panthéon ? Le militantisme unique pose lui aussi problème : la panthéonisation n'est pas une prise de parti. Dumas n'est pas du tout un mauvais choix : grand écrivain populaire, homme de gauche, homme de couleur. Biographiquement, il est proche de Victor Hugo, modèle du genre, un enfant de la grande armée napoléonienne, portant une généalogie révolutionnaire et impériale. Si vous lisez le récit de la révolution de 1830 dans ses Mémoires, vous avez l'impression, outre qu'il aurait engendré les bouleversements à lui tout seul, d'une adhésion sincère et affective à l'idéal révolutionnaire de 1789. Et c'est là le critère premier des panthéonisés. On peut donc parler à son propos d'une compatibilité des cendres.

Mais c’est un président de droite qui élit un homme de gauche...

Ce n'est pas la première fois. Jacques Chirac se cherche une image de gauche tout en flattant la France d'en bas. Dumas est parfait pour cela, républicain et toujours l'écrivain populaire