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Libération
Interview

«On a compté en sou jusqu'à la moitié du XXe siècle»

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publié le 31 décembre 2002 à 2h17

L'économiste Jean-Michel Servet estime qu'il faudra «une génération» pour que le franc disparaisse comme unité de compte. Pour ce spécialiste de la monnaie et des liens sociaux, qui fut expert auprès du gouvernement français et de la Commission européenne pour préparer le passage à l'euro, c'est même «parfaitement naturel».

Etes-vous surpris que tant de gens continuent de compter en francs, un an après l'introduction de l'euro ?

Non, car nombre d'expériences passées ont montré des phénomènes similaires. Le compte en sou, une unité qui avait disparu officiellement à la Révolution française, est resté vivace jusqu'à la deuxième moitié du XXe siècle. Parallèlement, les Britanniques ont évalué en guinées le prix d'articles comme les vêtements jusqu'aux années 70. Or cette monnaie avait cessé d'avoir cours légal au début du XIXe siècle. La persistance des anciennes unités peut être très longue, comme on l'a constaté pour les mesures agraires. Les champs pouvaient au XXe siècle être mesurés en «journal» alors que l'unité avait elle aussi disparu sous la Révolution.

Donc, selon vous, il n'y a pas eu de rejet de l'euro...

Au contraire. Pour des raisons pratiques, les populations ont préféré se débarrasser de leurs francs pour ne pas avoir en poche des instruments de paiement concurrents. Mais pour l'usage du compte, c'est une tout autre affaire. Toute unité de compte est un moyen d'appréhender le monde dans lequel on vit et l'on ne peut pas en changer immédiatement. Or la monnaie fait l