Menu
Libération

Loin de la guerre, des derviches en transe

Article réservé aux abonnés
A Bagdad, une confrérie pacifique, à l'écart de la politique, célèbre Allah et se met à l'épreuve dans des rites sanglants.
publié le 14 mars 2003 à 22h04

Bagdad envoyé spécial

La rue y retrouve l'université et le souk faisant de l'assistance une assemblée composite où le chèche est frère de la cravate, où la disdacha (la djellaba portée dans le Golfe) côtoie le pantalon bouffant et où la chevelure la plus longue se tient à côté du crâne le plus ras. Samy, un professeur d'anglais à la retraite, venu avec son plus jeune fils de 7 ans, demande : «Bien sûr, vous pouvez assister à la cérémonie, mais êtes-vous sûr que vous pourrez supporter tout ce que vous allez voir ?» Alors que les plus hautes instances du chiisme d'Irak ont pris une fatwa (décret religieux) appelant au jihad en cas d'invasion américaine, que les cheikhs des mosquées sunnites font aussi assaut de discours belliqueux, la confrérie religieuse Al-Alya al-Kastanzaniyya se tient strictement à l'écart du tohu-bohu politique, continuant de célébrer Dieu par le chant et des rites proprement terrifiants.

Deux soirs par semaine, les fidèles de la tariqa (confrérie) se réunissent dans l'immense cour d'une villa moderne d'un riche quartier de Bagdad. Ils forment une foule nombreuse, compacte, constituée d'hommes de tous âges et de toutes conditions. Les femmes, dont les cheveux sont recouverts d'un simple foulard, et les enfants se tiennent un peu à l'écart, le long des murs. Au centre, quatre musiciens battent chacun un très large tambour fait d'une peau tendue sur un cercle de bois auquel sont accrochés des anneaux de métal. Devant eux se tiennent assis quelques malades en