Serge Tisseron est psychiatre et psychanalyste, directeur de recherche à Paris-X. Il vient de publier les Bienfaits des images (éd. Odile Jacob).
Le discours ambiant est qu'il convient de montrer les ima ges de la guerre aux enfants. Alors, tous devant les journaux télévisés ?
En admettant qu'il n'en voit pas chez lui, l'enfant verra une image ou plusieurs en passant devant le marchand de journaux ou chez un copain ; à l'école, il entendra parler de celles vues par les autres et, parfois, le récit est pire que la vision de l'image elle-même. Il ne faut pas vouloir cacher ces images à tout prix. Mais il ne s'agit pas non plus de dire qu'il «faut» les mettre devant la télévision, ni de convier l'enfant à l'heure du journal télévisé, ce n'est pas une initiation. Un journal télévisé est éprouvant, ce n'est donc pas plus mal qu'un enfant ne le voit pas avant l'âge de 4, 5 ou 6 ans. Après, cela peut être le cas, et il revient aux parents de «mettre des mots sur les ima ges».
C'est-à-dire ?
Il ne s'agit pas de vouloir expliquer l'horreur. Le parent doit dire d'abord ce qui l'émeut, ce qui le bouleverse, parce que les enfants le pressentent. Il lui faut parler en son nom et ne pas penser que l'enfant est ému par la même chose. Pour faire vite : un adulte sera bouleversé par la vue d'un cadavre quand un enfant le sera par celle d'un ourson dans les gravats. Il faut aussi éviter le quiproquo entre le lieu de la guerre et la maison. Les parents sont là pour permettre à l'enfant de prendr