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Libération

A Oum Kasr, la peur du raïs

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Des habitants racontent la terreur au quotidien.
publié le 29 mars 2003 à 22h25

Oum Kasr envoyé spécial

Ali est «jauni». Oui, «jauni», répète-t-il, seul, à l'ombre d'un arbre. «Toute ma vie, j'ai vécu dans une dictature sanguinaire. Je ne connais que ça. Dites-moi, ça ressemble à quoi la démocratie ?» Ali (1) est né deux ans après la prise du pouvoir par Saddam Hussein. Il a 33 ans. Il en fait dix de plus. Il le sait : «Mon visage en dit plus que tout le reste, sourit-il. Regardez mes cheveux ? Gris. Mes yeux ? Usés. Mon énergie ? A plat. Je survis pour mes trois enfants.» Déprimé ? Non, bourré d'espoir. «Je respire un léger parfum de joie. Jamais je ne reviendrai en arrière, je traverserai le désert s'il le faut pour fuir à jamais cette tyrannie...»

«Water ?» Ali habite Oum Kasr, 40 000 habitants. Le seul et unique port du pays, occupé dès le premier jour de la guerre par la coalition, mais toujours pas «sécurisé». C'est là que débarque l'aide humanitaire. Là, aussi, où depuis huit jours Ali attend, en face du QG des forces anglaises, des nouvelles du ravitaillement en eau promis. «Des militaires ont bien apporté deux citernes d'eau, se désole un de ses voisins, un enfant anémié sur son porte-bagages. «Mais elle avait un goût de sel.» Enfants et adultes posent toujours en premier la même question : «Water ?» «Avant la démocratie, même après la barbarie, il faut de l'eau», dit un vieux, en keffieh rouge et blanc, qui apostrophe Ali en arabe et demande à se faire traduire. Ali parle un anglais parfait. Il s'excuse presque quand il trébuche sur un mot. «Par