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Libération

A Bagdad, le désarroi des boucliers humains

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Ils sont environ soixante-dix à y protéger des sites civils.
publié le 2 avril 2003 à 22h33

Bagdad envoyé spécial

La nuit dernière, Nadir a eu peur pour la première fois. «Pas vraiment peur mais quand même. Il y a un missile qui n'est pas passé loin, les vitres ont pété. Bon, après je me suis rendormi, tu t'habitues, comme à tout.» Nadir Dendoune est arrivé à Bagdad à la veille de la guerre «en direct du neuf trois», la Seine-Saint-Denis. Depuis, il passe toutes ses nuits à la station d'épuration d'eau d'Al-Doura, dans le sud-ouest de la capitale, comme bouclier humain. Juste à côté de l'usine, il y a un énorme réservoir de chlore : «S'il saute, tout le quartier part en fumée.» Le reste de la journée, Nadir visite les hôpitaux, les sites bombardés. Parfois, il participe à une petite manifestation. Ils sont 70, peut-être une centaine, répartis sur différents sites civils à Bagdad : des usines d'électricité, des stations de pompage, des réservoirs d'eau, des silos de nourriture, des raffineries. Ils sont turcs, français, suédois, sud-africains, espagnols, allemands, anglais, américains, tunisiens... Des aguerris, des illuminés, des naïfs et des «en-connaissance-de-cause». Strictement encadrés par le régime, qui se méfie des espions, ils n'ont pas le droit de dormir ailleurs que sur le site auquel ils ont été affectés et ne se promènent jamais sans «guide». «On nous a décrits comme des otages, on a même dit que nous étions payés par le régime. C'est totalement faux, s'insurge Ingrid, une Suédoise mère de deux enfants et pacifiste de longue date. Nous sommes là pour déf