D'un coup de pied, un soldat américain défonce le portail d'un petit jardin dans la banlieue de Bagdad. Ses camarades puissamment armés s'y engouffrent. Tous les fusils-mitrailleurs se braquent sur la porte de la modeste maison : il y a quelqu'un derrière. Un homme barbu d'une quarantaine d'années en djellaba apparaît, les bras en l'air. Sa femme et ses trois enfants sortent derrière lui. Les soldats les font asseoir sur la petite pelouse. Les enfants terrorisés gardent les bras en l'air et retiennent à grand-peine leurs larmes. «La population irakienne a payé deux fois, dit le commentaire d'Al-Jezira. Elle a subi un régime qu'elle n'a pas forcément choisi et que certains décrivent comme une grande prison. Et elle subit maintenant les bombes de ses "libérateurs", obligée de mendier jusqu'à l'eau qu'elle boit auprès des forces d'occupation.»
Après avoir remporté le bras de fer l'opposant aux autorités irakiennes qui entendaient la censurer, Al-Jezira a opéré un glissement de ton remarquable. Elle se tient toujours du côté de la population civile et nourrit l'identification du monde arabe avec elle. Mais ses charges contre le régime de Saddam deviennent chaque jour plus transparentes.
Dans les rues dévastées de la capitale, le ministre irakien de l'Information apparaît entouré d'une nuée de journalistes et de quelques hommes en armes criant des slogans en faveur de Saddam. Le dignitaire en uniforme dément avec véhémence que son ministère, l'hôtel Al-Rachid qui lui fait face ains