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Libération

A Bassora, l'odeur de mort des geôles

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Dans l'antre dévasté de la police secrète, les survivants témoignent des tortures.
publié le 11 avril 2003 à 22h45

Bassora envoyé spécial

Un homme gratte la terre de ses doigts noirs. Un autre crie, implore de l'aide et relâche une plaque de béton, épuisé. Un môme en haillons tente, en vain, de se glisser dans un trou de souris. Vingt autres, trente autres, quarante autres s'agitent, autour. Ils récupèrent, fouillent, soulèvent et trouvent. Des bouts de papiers, des listes de noms, des photos de cadavres, des morceaux d'archives, des carnets d'empreintes digitales, le tout balayé par le vent brûlant. «Il y a encore des prisonniers dedans, dans les sous-sols, dans les galeries, dans les sous-terrains, les endroits les plus inhumains ! S'il vous plaît, faites quelque chose, dites-le aux Anglais, filmez tout, je vous en supplie !»

Il n'y a ni soldat ni caméra. Rien, pas un bruit n'émerge des décombres. Un tank léger passe, puis fait vite demi-tour. Le bâtiment de la police secrète de Bassora fume encore. Une partie a été éventrée, une autre se consume encore dans une odeur de pourriture, une odeur de frayeur, une odeur de mort. A cent mètres, l'ex-palais de justice («le coeur le plus noir de l'injustice», corrige un médecin) a été soufflé, puis éviscéré par les pilleurs. Mais personne ne pille l'antre de la police secrète : on sauve seulement ce qui peut l'être. Les dernières bombes sont tombées du ciel samedi soir. Dimanche matin, des marines britanniques ont débarqué. Les geôliers avaient disparu : une veste kaki trône sur un portemanteau. Des hommes sont sortis. Combien ? Personne ne le sa