Monseigneur Huet, évêque d'Avranches (Manche) doit se retourner dans sa tombe. Lui qui dans un mémoire adressé en 1698 à l'Académie française situait le Paradis terrestre entre le Tigre et l'Euphrate là même où les troupes anglo-américaine et irakienne viennent de s'affronter. La croyance est rapportée par Serge Cleuziou dans son bureau de la Maison de l'archéologie et de l'ethnologie de Nanterre (Hauts-de-Seine). Directeur de recherches au CNRS, cet archéologue est spécialiste du Golfe arabo-persique. Il fait défiler sur l'écran de son ordinateur des photographies du sud de l'Irak : on y voit des paysages de marais entre ciel, terre et eau ; des familles qui habitent dans des maisons de roseaux tressés ; des hommes qui calfatent leur bateau avec du bitume. L'archéologue dit : «Ces gens sont les héritiers d'une civilisation qui s'est formée il y a 10 000 ans. Ils sont notre lien avec les Sumériens. C'est toute cette civilisation originale basée sur le roseau qui est en train de mourir si elle n'est pas déjà morte.» La faute aux guerres, à la répression et à l'assèchement des marais par le régime irakien.
Roseaux géants. Il y a un demi-siècle, l'explorateur britannique Wilfred Thesiger contemplait pour la première fois cette région à l'abri derrière «ses remparts de roseaux géants» qui cachaient de «vastes lacs». C'était un temps où le sud du pays n'était pas qu'une croûte de sable et de sel foulée par les chars. C'était un matin à l'aube, quelque part entre Nasiriya et Bass