Bagdad envoyé spécial
Trente ans de terreur sont contenus dans ces archives administratives si banalement ficelées. On y découvre une succession de bordereaux à en-tête agrafés, tamponnés, signés, contresignés et paraphés, des milliers de comptes rendus d'exécutions secrètes, des milliers d'aveux extorqués sous la torture, des milliers de lettres de dénonciation méticuleusement classées dans des chemises de dossiers gris ou blancs siglées «top secret». C'est presque par hasard que ces piles de dossiers de la police politique de Saddam Hussein ont été récupérées, vers la mi-avril, par une association d'anciens prisonniers politiques. Elles sont désormais entreposées dans une villa confisquée par ce Comité des prisonniers libérés à l'un des gardes du corps de Saddam Hussein, une résidence opulente donnant sur les rives du Tigre.
Un petit dossier gris avec 153 noms
De ces cohortes de classeurs entassés en vrac et dans l'urgence sur les fauteuils à dorures, le long des murs des vastes pièces et jusque dans les salles de bains de l'homme de main de Saddam, on pioche un petit dossier gris. Il est rédigé de manière précise et sourcilleuse. Il en dit si peu, et pourtant il dit tout. C'est une liste de 153 hommes d'un petit village, Al-Didjel, qui ont été condamnés par le commandement révolutionnaire suprême et exécutés «par suffocation» le 14 juin 1984. La notice précise que «tous les biens, meubles et immeubles» des suppliciés ont été saisis. La raison du massacre de toute la populati