Hier matin, en AG à Montparnasse, c'était le show de Laurent, un grand gaillard, cheminot cégétiste, la trentaine dégarnie qui parle avec un fort accent de Marseille, d'où il vient. Il travaille au guichet, pour 1 200 euros par mois. C'est aussi l'un des animateurs des AG de la gare parisienne, fief des durs de la CGT, en grève depuis le 3 juin. Hier, au septième jour du conflit, il fallait un Laurent, car il y avait de la fatigue, des doutes. La peur de se retrouver «isolé». Bernard, 49 ans : «Que faire si les profs sortent du conflit ? Quel intérêt a-t-on à poursuivre seuls ?»
Silence. En ouverture de l'AG, une voix s'est élevée : «Il faut arrêter de dire que le mouvement prend de l'ampleur. Autour de nous, les gens bossent... Je suis désolé de dire ça», a conclu le cheminot en se rasseyant. La salle a encaissé, silencieuse. Et puis Laurent est intervenu : «Il a raison le copain. C'est dur. Mais il y a eu combien d'années de lutte de nos parents pour obtenir ce qu'on a aujourd'hui ? Les congés payés, les retraites. Rien n'a jamais été un cadeau. Le seul truc qu'on nous ait donné, c'est le dimanche. Et c'était pour que tu puisses aller à la messe avant de repartir au boulot le lundi. Je sais que cette lutte, elle est pas facile : quand tu regardes la télé, tout est fait pour te décourager. J'ai regardé la télé ce week-end, ils nous disent qu'à Marseille, les éboueurs viennent à peine de se mettre en grève. C'est bizarre : sur les images, les tas d'ordures faisaient deux mètr