Il n'est jamais facile de retourner au travail après une grève aux maigres résultats. Mais, pour ceux des enseignants qui se sont jetés avec le plus de détermination dans l'action depuis plusieurs semaines, la rentrée en classe, aujourd'hui ou plus tard en septembre, est plus amère qu'ailleurs dans la fonction publique. Car le milieu enseignant vient de connaître un séisme dont il est probable que les répliques (au sens géologique) feront longtemps sentir leurs effets. Parler de «malaise» relève du cliché plus que du diagnostic. C'est toute l'institution qui était déjà au bord de la crise de nerfs, et ce n'est évidemment pas un hasard si elle a surtout craqué au coeur des cités difficiles, là où les enseignants sont le plus souvent confrontés aux exclusions économiques et aux violences sociales. Qu'ils y soient directement exposés ou qu'ils les vivent comme une menace, les enseignants se retrouvent face aux dérèglements de la société investis de responsabilités dont le fardeau est de plus en plus lourd, alors même que leur formation ou leur vocation ne les y a pas préparés. De l'école au lycée en passant par le collège, qui a été et reste le coeur nucléaire de l'explosion, on prétend transmettre ce qui a été établi dans les années 60, tandis que la société, à tous égards, a changé de siècle. Toutes les réformes de programme et de pédagogie ayant abouti, depuis, à empiler les changements plutôt qu'à ordonner une évolution. Que tout cela ait produit des frustrations