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Repères

L'immolation, du mythe oriental au symbole politique

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publié le 19 juin 2003 à 23h26

Loin de ses origines mythiques (la légende indienne du Ramayana), loin des traditions extrême-orientales qui voyaient les épouses s'immoler sur le bûcher de leur défunt mari, l'archaïque immolation par le feu est devenue, depuis les années 60 une forme extrême du cri, de la révolte et du désespoir. Que symbolisent une image récurrente et un nom. L'image, c'est celle de ces bonzes bouddhistes que l'on a vus pendant la guerre du Vietnam asperger d'essence leur crâne rasé et leur robe safranée, y mettre le feu et attendre la mort assis, stoïques, leur squelettique silhouette devenue noire, soudain s'affaissant. Le nom, c'est celui de Jan Palach, dont la mort est restée sans image, mais dont le geste a ébranlé tout le bloc soviétique. Le 16 janvier 1969, sur la place Venceslas à Prague, l'étudiant tchèque s'immolait par le feu pour protester contre l'occupation soviétique. Aujourd'hui encore, l'endroit est quotidiennement fleuri par des anonymes. On n'a pas oublié son nom, mais on a oublié qu'il ne fut pas le seul. Neuf jours après lui, un autre étudiant, Jan Zagi, s'immolait à son tour, et vingt-trois autres allaient suivre. En avril 2003, pour protester contre la guerre en Irak, deux étudiants praguois se sont à leur tour immolés. Après le Tibétain Thubten Ngodup, qui s'est aspergé d'essence en mai 1998 en criant «Vive le dalaï-lama, vive le Tibet», après les cinq membres de la secte Falungong qui se sont immolés place Tiananmen le 23 janvier 2001, le terrible geste des Moudja