Il y a de la malice chez saint Bové, comédien et martyr. Il se plaint de se retrouver à l'ombre en pleine canicule, mais, depuis des mois, il refusait toute discussion avec le juge d'application pour aménager sa peine. Il voulait que Chirac le gracie ou que les juges l'embastillent. La justice l'a pris au mot. Et, ce faisant, elle s'est piégée et le pouvoir politique avec. Coup double pour le leader de la Confédération paysanne, dont la manoeuvre n'avait pas d'autre but. Car, dans ce débat, il n'y avait de bonne sortie ni pour le droit ni pour la droite. Ou Chirac dispensait Bové de sa peine, mécontentait ses amis de la FNSEA et ridiculisait la justice, ou celle-ci s'obstinait et se voyait reprocher de s'en prendre aux libertés syndicales. Ridicule et liberticide, elle doit supporter aujourd'hui les deux qualificatifs.
Bové ne méritait ni l'armada gendarmesque disproportionnée qui est venue le sortir du lit ; ni de devenir l'étendard de la liberté syndicale entravée puisqu'il a commis des délits. Mais en le traitant comme un truand, la justice a fourni, hier, prétexte à indignation nouvelle dans un moment particulièrement sensible, à l'épilogue d'un mouvement social de plusieurs semaines qui n'a pas obtenu gain de cause. L'opposition n'a pas manqué de dénoncer la logique «d'affrontement» du gouvernement. La critique porte d'autant plus que la droite en est à tenter de jouer «l'apaisement». C'est la chance de Bové : Jacques Chirac, désormais, n'a plus de raison de lui refuser