Hier midi sur l'esplanade du Stade de France, douze semi-remorques remplis d'Anglais passablement en colère sont à l'arrêt. Depuis le début de la matinée, 200 intermittents bloquent l'accès au Stade où doit avoir lieu ce soir le concert des Rolling Stones. Dans les camions, le matériel nécessaire à l'installation de la scène ; devant les pare-chocs, des comédiens, techniciens et musiciens accrochés à des barrières métalliques. Plus loin : un alignement de CRS n'attendant que le feu vert pour intervenir.
Le régisseur anglais s'est efforcé d'être sympathique en autorisant une délégation de manifestants à entrer dans le stade pour consulter les techniciens français déjà au travail. Après un vote à bulletin secret, 70 des 90 personnes employées sur le montage ont choisi de ne pas s'arrêter. Les manifestants sont ressortis, sans toutefois quitter leur piquet de grève. Le patron britannique fulmine : «C'est tout simplement dégoûtant : en contrepartie du vote de leurs collègues, ils devaient laisser entrer les camions.» Rien à faire, les grévistes sont déterminés, allant jusqu'à se coucher sur le bitume lorsque la police pointe son nez.
Elle le pointe d'ailleurs franchement quelques dizaines de minutes plus tard. Dans une mêlée de bras et de jambes agrippées, de dos traînés sur le goudron et de prises au col réglementaires, la police parvient à libérer la chaussée. Les camions entrent dans le stade toutes sirènes hurlantes, tandis que se perdent sur le trottoir des doigts d'honneur.