La chambre 44 de la maison d'accueil pour personnes âgées dépendantes les Airelles à Paris (XXe arrondissement) est vide samedi soir. Le lit est à nu avec son matelas recouvert d'une alèze bleue. Le petit réfrigérateur est débranché, porte ouverte, et, dans la garde-robe, les cintres sont regroupés. «Le monsieur est parti cette semaine. C'était l'un des plus anciens ici», dit Jurisic, garde-malade, en accrochant des rideaux propres aux portes-fenêtres.
Aux Airelles, huit résidents sur quatre-vingt-sept sont décédés depuis le 6 août. D'eux, on dit qu'ils sont «partis» et puis on se tait dans les couloirs colorés de la maison de retraite où la radio diffuse Envole-moi de Jean-Jacques Goldman. «C'est trop tôt. Pour le moment, on ne ressent pas le choc. Ça viendra plus tard», murmure Willy, un garde-malade qui achève sa journée de douze heures au chevet des pensionnaires. Augustin, lui, est infirmier. Il vient du Congo-Brazzaville et dit : «Franchement, chez nous, on n'a jamais vu de tels cas d'hyperthermie.» Dans les chambres, la température est montée jusqu'à 39 degrés. Dans les corps, bien au-delà de 40. «Sur les huit personnes qui ne sont plus là, explique Augustin, on se doutait que deux ou trois allaient mourir, mais pas les cinq autres.» Il y a surtout l'histoire d'une «petite dame» qui charrie beaucoup d'émotion dans les quatre étages de cette maison de retraite gérée par la Croix-Rouge. Elle était «vive», «alerte», «délicieuse», «autonome». Le 13 août, on l'a retrouvée a