Les lettres d'amour ne pèsent pas lourd dans la besace du facteur ni dans les préoccupations stratégiques de ses dirigeants. L'heure est au commerce financier, plus rentable et plus chic. Tiraillée entre son héritage administratif et ses ambitions d'entreprise performante, La Poste figure un hybride bizarre. Grâce aux décisions prises par le gouvernement, elle verra se prolonger cette existence ambiguë à mi-chemin d'un facteur de Jacques Tati et d'un cadre financier de La Défense. L'extension des services financiers vendus aux guichets de La Poste ne se fera qu'avec lenteur. Les maires ruraux et les syndicats seront soulagés de voir assurer le maintien des milliers de bureaux de poste campagnards en sous-activité. Le syndicat des grandes banques ne sera pas mécontent que ce concurrent ne puisse prendre pied que dans le domaine, d'ailleurs très disputé, des prêts immobiliers. Cela fait toujours quelques années de gagnées, même si, à terme, ces décisions confirment que La Poste deviendra une «vraie banque».
Malgré un plan de modernisation industrielle, d'ailleurs financé par l'entreprise grâce à l'emprunt, le projet gouvernemental pour La Poste reste flou et, pour l'essentiel, renvoyé à plus tard. La Poste reste soumise à d'importantes contraintes au nom du bien public sans pour autant trouver dans de nouveaux métiers les ressources pour y faire face. Tous les anciens «services publics» (SNCF, télécoms) ont été sommés de se réinventer. Protégée par l'épaisseur du territoire qu'