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Libération
Interview

«On entre dans la techno-philosophie».

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publié le 4 novembre 2003 à 1h41

Sous le parrainage actif du philosophe Alain Badiou, un collectif de jeunes agrégés de philosophie publie demain Matrix machine philosophique (1). Il ne s'agit plus, comme la critique, de dire ce qu'il faut penser de Matrix mais comment penser depuis Matrix, avec Matrix, en Matrix, voire plus vite que Matrix. Rencontre avec Elie During, ancien élève de Normale sup, enseignant à Paris X-Nanterre, et coordonnateur de l'ouvrage.

Qu'est-ce qui fait que Matrix soit partagé par une telle communauté de spectateurs ?

Sans doute le fait que Matrix soit une machine mythologique. Il ne fabrique pas du mythe moderne comme le faisait Star Wars en réactualisant la tragédie, mais tente une opération différente, qui répond assez bien à la définition que Claude Lévi-Strauss donnait du mythe : une construction symbolique qui rend équivalents foule de codes culturels. Et qui, du coup, peut parler à des gens très différents. Matrix a cette structure feuilletée où les codes se replient les uns sur les autres : on y trouve des codes politiques (les totalitarismes...), métaphysiques ou philosophiques (la virtualité, la liberté, doit-on désespérer dela réalité ?...), culturels (la fable, le roman, la philosophie : Nietzsche, Platon, Spinoza, Baudrillard), et contre-culturels (science-fiction, kung-fu). Le bouddhisme, le taoïsme y croisent des figures judéo-chrétiennes reconnues tel le Messie. Matrix joue sur une équivalence générale, et produit du coup un espace pour un discours commun, une jouissanc