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Libération
Éditorial

Déboutonnage

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publié le 6 novembre 2003 à 1h44

Laurent Fabius n'a pas eu de chance. Le temps qu'il arrive à l'âge auquel il peut prétendre à la plus haute fonction et les Français ont déjà congédié le modèle politique bien repassé avec lequel il s'est si bien confondu. Désormais, il ne suffit plus d'avoir un projet politique à vocation majoritaire et de convaincre qu'on possède la capacité de le mettre en oeuvre. Il faut en plus montrer qu'on est un homme (ou une femme) comme les autres et qu'on porte en soi des trésors d'humanité qui ne demanderaient qu'à s'épancher si seulement la vie n'était pas si dure. Comme l'écrit Fabius (à propos de ses fils) : «L'amour, j'en suis tout plein [...], mais je n'arrive pas à déborder.»

Il travaille ainsi à se mettre au goût du jour avec une application et une humilité dignes d'être récompensées. Personne ne lui jettera la première pierre parce que c'est toute la classe politique sur laquelle déteint le style Loft. La manie du déboutonnage est universelle et les stéréotypes de l'intimité accompagnent obligatoirement les lieux communs de la politique. Le rôle envahissant des épouses de présidents (c'est Danielle qui a commencé !) ou de ministres trouve là un tremplin évident. A la télé, la façon Mireille Dumas phagocyte le métier à la Alain Duhamel. Mais cette course à l'intériorité reste très contrôlée : il est interdit de traverser en dehors des clous de la banalité.

Comment cette psychologisation influera-t-elle sur la politique ? Certainement pas dans un regain de la fascination qui