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Libération
Interview

««Une querelle d'héritage autour de l'autogestion»

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publié le 7 novembre 2003 à 1h46

Maître de conférences à l'université Paris-I, Frank Georgi travaille sur l'histoire de la CFDT et de l'autogestion. Il a publié l'Invention de la CFDT (CNRS-Editions de l'Atelier, 1995) et a dirigé Autogestion, la dernière utopie (Publications de la Sorbonne, 2003).

Cette vague de départs marque-t-elle un tournant dans l'histoire de la CFDT ?

Contrairement à ce qui s'était passé en 1995, les contestataires ont renoncé à se réunir pour constituer une opposition interne et préfèrent partir. A l'époque, les opposants avaient tenté de s'inscrire dans une longue tradition de contestation interne propre à la CFDT. Une idée que la direction a combattue : pour elle, les contestataires constituent un corps étranger, enkysté depuis 68. Dans les années 70, elle les avait appelés «les coucous», puis «les moutons noirs». Aujourd'hui, elle semble assez satisfaite de s'en débarrasser. Selon son point de vue, cela clarifie les choses.

La direction a-t-elle raison de se réjouir ?

La réalité est plus complexe. Car les deux discours, celui de la direction comme celui de l'opposition, sont porteurs, chacun à leur façon, de l'histoire du syndicat. On peut parler d'une querelle d'héritage, qui renvoie à ce qui était au coeur de l'identité de la CFDT dans les années 70 : l'autogestion. La CFDT est l'héritière du syndicalisme chrétien, qui s'est constitué avant-guerre sur le double refus du socialisme et du libéralisme, et la recherche d'une troisième voie, qui s'est d'abord incarnée dans le catholicis