Menu
Libération
Interview

«Avant, la lutte pour l’égalité, aujourd’hui, la fragmentation»

Article réservé aux abonnés
Intégration. L’un, curé, a été à l’origine du mouvement, l’autre, sociologue, était contre:
publié le 3 décembre 2003 à 2h10

Christian Delorme, le «curé des Minguettes», a été l’un des promoteurs de la marche des beurs, en 1983. Ahmed Boubeker était responsable d’une association à Saint-Chamond (Loire). Tous deux furent acteurs de cette histoire-là. Le premier a été reçu à l’Elysée, avec les marcheurs. Le second, qui craignait une «manipulation», était hostile à la marche. Aujourd’hui Christian Delorme a changé de paroisse mais est toujours curé à Lyon. Ahmed Boubeker est devenu sociologue, et vient de publier les Mondes de l’ethnicité. Libération les a réunis pour analyser cette marche en la confrontant à la situation aujourd’hui, vingt ans après.

Si vous deviez définir cette marche des beurs...

Ahmed Boubeker. La découverte par la France d’une génération jeune, citadine, issue de l’immigration. La France ne s’était pas rendu compte que ses immigrés avaient des enfants. Soudain, cette génération émerge sur la scène publique. Elle devient la génération beur. Mais cette marche était aussi liée à des événements dramatiques : un record de meurtres, de bavures policières ou de beaufs du samedi soir. Il fallait sortir de la cité pour poser ces questions sur la place publique.

Christian Delorme. On arrivait juste après Giscard, qui voulait renverser les flux migratoires. 5 000 expulsions par an touchant essentiellement ces jeunes. Aidée des réseaux d’extrême gauche, des partis de gauche, des cathos ouverts, des organisations ouvrières, la marche débouche alors. Et la France découvre qu